Chroniques fragmentaires...

L'Histoire de chaque guerre, de chaque cité, de chaque civilisation… est constitué d'une pléthore d'aventures personnelles.
Tous ces vécus, si anodins, si insignifiants… soient-ils, restent consignés dans la mémoire du temps... Parce qu'ils contribuent à l'aboutissement, à l'essence même de cet Histoire, parce que sans eux, elle n'existerait pas !

C'est tantôt de cette mémoire universelle, tantôt de son journal de bord, tantôt de sa correspondance, que sont issus ces extraits de la vie de Kezeg. S'ils nous sont parvenu sous cette forme fragmentaire et incomplète, ils constituent néanmoins une partie de son parcours sur ces terres d'Alidhan de son passé et de ses origines…

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[5e SLN], Courrier adressé:
Au "Dirigeant en place" - Shangor, la ville éternelle – Capital du Dÿfed

En ce 5e jour de la Seconde Lune Noir de la saison humide. Moi, Kezeg Nergal'haï, second Shangor'hin de la tribut Himbas'han, ai accepté de reprendre du service.

Ce matin, j'ai mis fin à mon exil dans la vallée de Sesriem aux frontières des déserts oubliés.
Les clameurs se font plus insistantes. Confirmant d'avantage au fil de ma route ce qui hier encore n'était que rumeurs lointaines.
Les contrées d'Alidhan sont à feu et à sang. J'ignore depuis combien de temps déjà.
Les lieux reculés et isolés où je me suis retirée ne reçoivent que peu de nouvelles du monde extérieur.

Il y a trois jours, j'ai retrouvé et recueilli un convoi égaré : des femmes, des enfants des vieillards et leur maigre paquetage, accompagnés de quelques têtes de bétail souffreteuses.
Non pas des nomades ou des caravaniers familiers du désert, mais des gens venu de villages plus au sud. On pouvait lire dans leurs yeux hagards le désespoir et la crainte qui les avaient poussés à se mesurer à une mort quasi inéluctable dans ces contrées hostiles pour qui n'y est pas préparé.
Depuis les convois se sont multipliés. Ils sont nombreux à fuir qui Cyrosh, qui Fuisserage qui Nedmor ou encore Mérulik. Le conflit s'étend et s'amplifie.

J'ai ressenti l'appel des anciens. Je ne puis ignorer la volonté des dieux…et renier plus longuement ma raison d'exister...

Ko'cf yh micn myfih fyolm pifihynym

Kezeg Nergal'haï

[ ] Afin de clarifier aux yeux du lecteur qui ne maîtriserait pas totalement le langage tribal Himbas'han ou ne serait pas suffisament familier de leurs us et coutumes. Une petite traduction s'impose : "Ko'cf yh micn myfih fyolm pifihynym" pourrait se traduire par une formule de politesse semblable à "Qu'il en soit selon leurs volontés" [/]

Sur la piste poussiéreuse, elle conduisait d'une main distraite le pas neveux, relevé et élégant de sa monture.
Non pas un de ses fins coursiers qu'on avait coutume de rencontrer dans les déserts d’où elle venait ou de ces chevaux plus petits que l'on rencontrait dans ces contrées. Mais l'un de ces fringants destriers venu de terres lointaines taillé pour le combat.
Ce Frison noir, comme une nuit sans lune, puissant, imposant, contrastait avec les allures frêles de la jeune fille.

Chemin faisant, elle sortit de sa rêverie, Fuisserage, sa destination, était en vue. Elle s'arrêta sur les collines dominant le bourg et observa scrupuleusement les environs et la foule qui semblait vaquer à ses occupations.
S'éloignant un peu, elle entra dans un bosquet en retrait de la route, mit pied à terre, débrida et descella son cheval en lui tapotant l'encolure et en mêlant un instant ses cheveux à sa crinière avant de le laisser s'éloigner en quête de nourriture.

- Tengri-At, nous voici arrivé, vieux frère. Soupira-t-elle.

Elle monta un campement sommaire, sans hâte, chaque gestes, mesurés et précis trahissaient le nombre incalculable de fois ou elle les avait accompli.
Déjà, l'eau chauffait pour son immuable rituel du thé. Le breuvage brûlant à la main elle fit un rapide tour de reconnaissance. Elle s'installerait ici, pour le moment, l'endroit semblait convenable…entre les aubépines en fleurs en ce début de printemps au parfum velouté et balsamique.
Sachant qu'elle ne passerait pas inaperçu sur une telle monture, elle décida que mieux valait continuer son chemin vers la ville à pied. Autant ne pas attirer le regard et les questions trop rapidement sans savoir ou elle s'engageait.

Sous sa longue cape de voyage, elle tente de faire oublier qu'une femme n'est que rarement acceptée dans ce monde réservé aux hommes qu'est la guerre. La capuche rabattue sur ses longs cheveux.

Derrière les prochains arbres, les premiers bâtiments de pierre.

Mais déjà, le cliquetis caractéristique des armes qui s'entrechoquent parvient à ses oreilles.

Instinctivement, sa main se porte vers son côté gauche pour y chercher du bout des doigts le contacte rassurant du pommeau froid de son épée.
Mais ici, ce sont les jeunes recrues qui s'entraînent.

- Du calme se répète-t-elle à voix basse en expirant bruyamment avant de reprendre une profonde inspiration.

Des pas se rapprochent, un guerrier aux épaules larges s'approche en la toisant.

- Alors gamin, nerveux ? Il éclate d'un rire bruyant. T'es nouveau toi…va au puits, ils pourront te renseigner… Finit-il avant de s'éloigner après avoir montré vaguement de la main une direction.

Elle le suit des yeux sans rien répondre. Oui, nerveuse. Beaucoup trop se dit-elle. Il y a bien longtemps qu'elle n'a pas affronté la foule et l'agitation. Respirer, profondément, calmement pour chasser cette appréhension qui lui noue les entrailles. Reprendre le contrôle de ses sens et de ses émotions avant de continuer.

Elle s'enfonce un peu plus sous sa capuche de bure, serre le poing à s'en faire mal à la paume et s'avance dans la direction indiquée.

A en juger d’un rapide coup d’œil, la bâtisse qu’elle contourne est probablement une auberge. Elle pourrait certainement y glaner des informations précieuses et utiles. Pourtant elle s'en détourne sans hésitations, même si les grondements de protestations qui s’élèvent au creux de son estomac lui rappel qu’il faudrait penser à manger.
Le moment n’est pas encore venu de s’y rendre, elle le sent, elle le sait. C’est bien trop tôt pour ça.

Elle s’installe un peu à l’écart, l’épaule appuyée contre le tronc irrégulier d’un palmier. D’ici la vue est dégagée rien n’échappe à son œil aiguisé. Ni ce jeune moine qui court dispenser ses soins aux novices encore malhabiles, ni ce guerrier ambitieux en prise avec une mouche, ni ceux-là qui discutent à voix basse, alors qu’un gamin leur fait les poches.

Puis ce magicien qui l’approche, l’air fier, arrogant, un peu bravache même… et ses mots incompréhensibles. Un dialecte local peut-être… elle réfléchit, cherche, non elle ne comprend rien.

Elle hausse les épaules, l’autre s’éloigne en maugréant.

[10e 4LA], Extrait du journal de bord de Kezeg

Au détour d’un chemin, je l’ai rencontré.
Un guerrier. L'épée tirée au clair. Sourire charmeur. Il engage la conversation en premier.

Bonsoir belle archère !

Je le regarde étonnée…une fraction de seconde, pas suffisamment pour qu’il s’en rende compte…
Enfin quelqu’un qui parle le langage usuel. Je commençais à désespérer.
Cela semble rare en ces terres.
Nous discutons. De tout de rien. Les mots tombent.
Oui, ils tombent, car cela m’effraie un peu.
…
Une place parmi les Lions de Kaldrass te ferait-elle plaisir ?
Nous sommes une Guilde de niveau 3, 93ème au classement et nous t'offrirons aide et protection en échange de ta participation à la vie de la Guilde…

Cette fois, impossible de cacher mon étonnement.
Une guilde ? Moi ?! Il a l’air sérieux en plus.
Quelques excuses bredouillées et je rentre au campement. Besoin d’y réfléchir...

[11e 4LA], Extrait du journal de bord de Kezeg

Y réfléchir ? Qu’est-ce qui m’a pris !
Je sais pertinemment qu’il ne faut pas risquer de s’attacher, de se lier.
L’expérience, la pratique du terrain me l’ont enseigné.
J’ai perdu trop d’ami, trop de frères au combat pour en prendre le risque encore.
Ca fait mal. Trop mal…

Seul, on n’hésite pas.
On écoute son instinct, sa voix intérieur.
Simplement.

A plusieurs on tergiverse, on doute, on parlemente…
Et c’est déjà trop tard.

Alors, je suis solitaire. Toujours !

Solitaire.
Pas égoïste ou indifférente.
…Pas vraiment asocial non plus.

Non !
Juste que j’aime faire cavalier seul.
Moins douloureux, moins contraignant, moins…

Pas de compte à rendre, pas d’obligation, pas de responsabilité… et aucune exigence.

Discuter, boire un verre … à la rigueur.
Mais s’en aller. Ne pas s’attarder. Jamais !

Rester libre.
C’est la règle… enfin, c’est Ma règle … Je suis comme ça !

…et pourtant cette proposition tourne dans ma tête…

U koic vih fonnylf...Fy wcyf wywcxylu !
___

[15e 4LA], Extrait du journal de bord de Kezeg

L’idée a fait son chemin.
Pourquoi, je n’en sais rien !

Je suis allée rôder autour de leur repaire.

La curiosité probablement.
Un rituel conventuel d’archer certainement.
L’espoir peut-être.
Un ancestral usage d’éclaireur à n’en pas douter.

Puis, il y a quatre jours, même heure, même endroit, j’ai revu Yorn.
Oui, il s’appel Yorn.
Et c’est lui le chef des « Lions de Kaldrass »

« Lions de Kaldrass »
Ca sonne plutôt bien à l’oreille non ?

Je l’ai harcelé de question.
Ce qu’il attendait de moi, ce qu’il me faudrait accomplir… je voulais tous savoir.

Il c’est assis sur un rocher, et patiemment, il m’a expliqué.
...
Et bien je vais tenter de répondre à tes questions à propos des guildes...
Alors je ne vais pas te mentir, une fois dans la Guilde, tu devras aider à remplir les comptes de la Guilde. Ceci permet de faire monter le niveau de la Guilde et ainsi d'accueillir de nouveaux membres…

Il a continué. J’ai écouté attentivement. Puis de nouveau je suis partie.

Sur le chemin qui me ramène à mon campement, intérieurement, je connais déjà la réponse qui sera mienne.
Elle s'impose déjà.
Pourquoi ? Je l'ignore...

Demain, je sais que mes pas se perdront du côté du territoire des mouches.
Lorsque le soleil décline.

…J’ai des chances de l’y croiser.

[ ] Autre expression typique qui marque fortement les croyances Himbas'han en leur Destin :
"U koic vih fonnylf...Fy wcyf wywcxylu !" A quoi bon lutter...le ciel décidera !

Lutter doit être pris dans le sens de s'opposer à sa destinée.
Car pour un Himbas'han, et plus particulièrement Kezeg qui est également Shangor'hin - faut-il le rappeler - il n'est pas envisageable de fuir devant le combat. Plutôt mourir l'arme à la main qu'être déshonorer. [/]

[21e 4LA], Extrait du journal de bord de Kezeg.
Ce parchemin a été en partie endommagé.
L'écriture, nerveuse et raide traduit la nervosité dans laquelle il a été rédigé.
Par endroit, des tâches sombre – Du sang ? – ont imprégné les fibres du vélin

...Ayant depuis un temps sympathisé avec les gardes, ils me laissent, à présent, aller à mon grès vers les abords des forêts enchantées de Stannyfest.

Ma connaissance grandissante du terrain et mon insatiable curiosité m'ont conduit au-delà des frontières de Fuisserage dès que j'eu en ma possession un blanc-seing tant convoité.

En toute honnêteté, je dois avouer que cette permission de pousser mes explorations plus en avant vers le couchant m'a apporté un grand réconfort.
Le confinement sur Fuisserage me rendait folle.
Et vaquer à mes occupations plus librement est un grand soulagement.

Non loin du pont de bois, il est un endroit cher à mon cœur, où j'affectionne tout particulièrement chasser.
Situé en deçà des sentiers battus, il y règne un calme particulièrement reposant.
On y rencontre couramment une espèce de champignons, extrêmement savoureuse, une fois débarrassée de la cuirasse hérissée de piquant qui protègent son chapeau.

La matinée avait été douce, et je la prolongeai en m'attardant plus que de raison, insouciante, sous les doux rayons solaires en dégustant quelques fruits de mon labeur, grillés sur la braise.

C'est à ce moment que je reçu la visite d'un messager ailé.
Lorsque les clameurs s'élevèrent, je prenais connaissance du contenu de l'exhortation à la prudence, au bas de laquelle je reconnu la signature d'H0ny.

Les premiers sons qui me parvinrent étaient étouffés par le feuillage des grands hêtres.

Puis je les vis.
Première confrontation avec des partisans adverses.
Grands chevaliers arborant les couleurs de Zelandra.
Une Rose Noire pour bannière

Cris furieux.
Râles.
Relent du sang, remugle de mort.

Tout se précipite.
Je mesurai alors tout le sens des mots d'avertissement d'H0ny.

Trop tard.
La horde sauvage était sur moi…

Des éclats de voix.
Reflexes.
Quelques flèches font mouches...

Hades était à la tête de cette unité assassine.

Je me souviens de ses yeux, ivre de sang.
De son souffle dans ma nuque.
Et de la morsure brûlante de sa magie.

Puis un voile m'obscurci les yeux...

C’est une belle fin de matinée ensoleillée.
Lasse de la chasse, elle s’assied un instant nonchalamment sur une souche. Dans sa besace, sa main cherche quelque chose à se mettre sous la dent. Une racine de réglisse occupera sa mâchoire un moment.

Les bûcherons on fait récemment des mises à blanc dans cette partie de la forêt enchantée de Stannyfest. Elle se rappel des arbres majestueux qui dressaient fièrement leur ramure à cet endroit.
Hier droits et fières. Aujourd’hui, du bois pour la guerre. Du bois pour les armes de siège. Du bois pour reconstruire ce que le lendemain ou le jour d’après l’ennemi aura détruit…

Elle soupir. Il y a des choses auxquelles on ne s’habitue pas…
Elle laisse échapper quelques mots psalmodier dans son dialecte pour apaiser la colère des esprits. Calmer leurs courroux et leurs indignations.
On ne plaisante pas avec ça !
Ils pourraient décider de se mêler des affaires des hommes et influer sur le court de la guerre.

Elle aime les effluves du bois fraîchement coupé. Alors, les yeux fermés, elle respire profondément pour emplir ses poumons de cet enivrant parfum.

Son regard se perd en direction de Berral.
Dans ses yeux, un éclat brille plus fort qu’à l’accoutumer. Une lueur caractéristique qui les anime quand impétuosité, enthousiasme et impatience se mêlent dans son sang jusqu’à le faire bouillir.
Bientôt, elle ira à Mérulik …

Mérulik
Un mythe. Une légende.
Un nom qui chante à ses oreilles… une promesse, un espoir, une vie nouvelle…

Que d’histoires n’a-elle entendue le soir venu, attablé dans la taverne des Lions, ou autour de la chaleur réconfortante d’un feu de camp lorsqu’elle s’attarde avec ses amis et compagnons d’armes…

Gladrin a-t-il exagéré dans ses récits ?
En tous cas il a su éveiller sa curiosité… Elle a hâte de visiter, hâte de voyager comme lui… hâte d’en découdre aussi…

Quelque chose la tire de sa rêverie.

Les grenouilles ont cessés de coasser. Quelqu’un approche à n’en pas douter.
Il peut se faire silencieux et être discret, elles, elles n’ont pas été dupes !

Elle a beau pester souvent en chassant ces petites bêtes insaisissables, en cet instant, elle les bénirait presque pour leur vigilance…
Peut-être qu’elles viennent de lui sauver la vie, elle qui n’a guère de pitié pour la leur…

En pensant à tout ça, ses muscles se tendent alors qu’elle bande la corde de son arc. Pas au maximum, juste ce qu’il faut pour gagner un temps suffisamment précieux en cas d’attaque - celui de tirer deux, voir trois flèches à la place d’une seule - mais ne pas fatiguer son bras inutilement afin de ne pas perdre en précision.

L’arc aligné dans le prolongement de son œil, elle respire calmement, attentive, les sens en alerte.
La tête inclinée légèrement sur le côté gauche, les yeux mi-clos, pour ne pas se laisser distraire, elle écoute.

Un battement de cœur, puis deux, trois…
Elle compte pour se concentrer. Une façon d’empêcher son esprit de vagabonder.
De le garder réceptif à ce qui l’entour.
Attendre le bon moment. Ni trop tôt. Ni trop tard.
Le laisser approcher.

Son instinct lui dit qu’il n’y a pas vraiment de danger.
Pourquoi ? Elle n’en sait rien. Elle le sent, mais elle reste prête.
Juste au cas où…

La fraction de seconde ou elle reconnait sa silhouette se découper dans l’ombre des grands chênes et celle ou ses doigts devraient lâcher la corde suffit à retenir son geste.
Elle détend ses muscles, relâche son souffle.

En diminuant la tension de la corde, elle vient à sa rencontre pour l’accueil avec le sourire.
- Attilla ! Quel bon vent vous amène ! Salut courtois et poli, ni plus ni moins qu’il n’en faut manifester envers un allier… après tout, elle le connait depuis peu, et il a une fâcheuse tendance à l’intimider…
Une petite chasse aux grenouilles en cette paisible journée ?

Ces derniers temps, leurs territoires de chasse se chevauchent.
Quelques jours par semaine, par le fruit du hasard, ou la volonté des dieux, leurs horaires correspondent.

L’affut à la grenouille devient alors moins une corvée, qu’un plaisir.
Celui de discuter.

Une occasion d’apprivoiser un peu ce compagnon d’arme bien mystérieux.
Le plus distant, silencieux aussi, méfiant peut-être… d'entre eux.

[04e 06LN], Extrait du journal de bord de Kezeg.

Merulik enfin !

D’un coup de tête nous nous décidons.
Il y a quelques minutes à peines je n’aurai pu franchir les distances qui m’en séparaient.
Mais là, j’ai reçu mes nouveaux sauf-conduits.
D'autres portent s'ouvrent à moi.

H0ny, Lombax s’élancent en premier.
Ils connaissent le chemin.
Ils ont l’habitude.
Et j'aime leur enthousiasme qui réveille, si besoin en est, mon impatience.

Découvrir ces terres nouvelles.
Et aller dépenser mes trop maigres économies dans les armureries de la ville.
M'offrir la tunique forestière ne serait pas du luxe…

Une fraction de seconde, et je suis debout, prête à les accompagner.

Je croise les yeux d'Attilla.
Bien sur il a vu mon empressement.

Je me suis trahie.
J'ai laissé parler mon impulsivité une fois encore.
Et la fièvre qui court dans mes veines à la perspective de tromper la mort.

Ses yeux, son sourire…

Je me mords la lèvre inférieure pour me ressaisir.
J'hésite.

Intérieurement je brûle d’y aller.
Mais je ne veux pas laisser tomber notre séance de chasse.

D'un signe de tête il m'encourage à y aller.
HOny m'exhorte à me dépêcher.
Déjà il disparaît derrière les saules.
Alors, je file.

Je n'accorde pas un regard à l'étang de Berral.
L'endroit ne m'a jamais attiré.

Borgovil par contre retient toute mon attention.
Il y a quelque chose dans ces ruines et dans l'ambiance qui s'en dégage qui me captive.
Peut-être les âmes perdues des braves qui y on laissé la vie.

Les yeux grands ouverts, je repère l'endroit.
Méthodiquement.

Je sais déjà que j'y reviendrais.
Mais aujourd'hui, j'ai un autre but alors je continue.

Je laisse mes compagnons à leur chasse.

Mérulik me réclame.
Elle m'appel.
Douce musique à mon oreille.

...Et elle exige que je sois seule…

[__ 06LN], Extrait du journal de bord de Kezeg.

Il y a longtemps que j'ai cédé à l'appel … Je suis partie pour Mérulik.
…Le cœur de la mêlée, les poussées d’adrénaline … je n’ai pas résisté à l’invitation des sirènes.

C’est ma nature profonde.
Je suis comme ça.

Frôler la mort, la chercher souvent… la provoquer parfois.
C’est un jeu, c’est ma vie.
Le gout du risque certainement. Le besoin de me sentir vivante aussi ...

Alors Mérulik est mon QG.

J’y ai loué une petite chambre … dans les combles.
Au plus près du ciel.
Etendue sur ma couche, j’aperçois par la fenêtre les étoiles et cette lune argentée qui veille, qui m'épie, qui me guide...

Depuis mon premier raid - Nedmor en était la cible – j'ai besoin d'autre chose pour continuer d'exister.

Nouveau poste.
Je joue les éclaireurs.
Délaissé les terrains de chasse…

Je patrouille…
…inlassablement je parcoure les chemins de traverses…

Fatiguant.
Des nuits courtes, peu de sommeil.
Toujours passés sur le dos de mon cheval.
Rivée à mes étriers.

J’ai mis si peu souvent le pied à terre ces derniers temps que j’en arrive à me demander parfois si j’arriverais encore à descendre de ma selle…

Les sens en éveil.
L’esprit constamment en alerte.
J'aime ça.
Je vis pour ça.

Ne jamais rester trop longtemps à la même place…
Pour ne pas se faire repérer.
Ne pas éveiller les soupçons.

Borgovil – Vallée de Ceth – Forêt de Broquir … et bien entendu Mérulik !
Ma douce Mérulik.

Parfois, lorsque mon corps le réclame, je m’accorde une pause.
Quelques heures de sommeil volé aux détours d’un chemin.
J’en profite alors pour rejoindre le repaire des Lions ou la nouvelle forteresse de nos amis de la Légion Ardente, auxquels je prends plaisir à rendre visite à chaque fois que cela m’est possible.

Echanger les dernières nouvelles.
Se détendre autour d’un verre
Dormir d’un vrai sommeil réparateur quelques heures.

Puis retourner chevaucher.
Fureter.
Harceler les avant postes…
Multiplier les escarmouches avant de repartir plus loin…

Alors qu'elle traversait Fuisserage, ce qu'elle n'avait plus fait depuis belle lurette, elle s'arrêta brusquement devant le puit, songeuse.

- Gladrin ! s'écria-t-elle.

Les jeunes recrues qui s'entraînaient sur l'esplanade la dévisagèrent d'un air bizarre.
A qui pouvait-elle bien parler, elle était seule ! Murmuraient-ils ! Elle a sûrement perdu l'esprit sur le champ de bataille !

Pour toute réponse, Elle afficha un radieux sourire et parti en courant.

Depuis le temps qu'il était rentré en salle de cryogénisation, elle s'était dit qu'elle devait lui rendre visite. Juste s'assurer que tout se passait bien…

Évidement, comme elle s'y était attendue, le gardien lui refusait l'accès.
Si on rentrait, c'était pour prendre place dans un bloc de glace pour un sommeil artificiel…marmonnait-il entre ses dents.

Des visites et puis quoi encore !
Faut pas un guide en plus ! … On aura tout vu ici…

Bien décidée à rendre visite à son ami, elle tint bon. Elle marchanda fermement et obtint finalement ce qu'elle voulait.

Le chocolat ouvre bien des portes se félicita-t-elle avec satisfaction.

Le garde lui indiqua le chemin et la laissa seule.
Quelques instants seulement ! Gronda-t-il en s'éloignant en salivant devant le chocolat.

Elle s'assit sur le sol, mangea quelques carrés de chocolat en buvant un peu de jus de litchi et lui raconta les quelques événements de ces derniers temps…

Mais déjà le garde la rappelait à l'ordre.
Elle soupira et se résigna à sortir…elle se ravisa…
Elle laissa un morceau de chocolat et sa gourde de jus de litchi…

Cela hâtera peut-être ton retour…en plus ce que tu n'as certainement pas manqué d'emporté avec toi sera inconsommable…congelé eux aussi… crois en mon expérience...

Et elle disparu au bout du couloir.

Quelques temps plus tard, ce fut avec une immense tristesse qu'elle appris que Gladrin ne reviendrait plus jamais.
Il avait quitté définitivement les terres d'Alidhan pour retourner parmi les siens.
Ce n'était que le premier de ses compagnons des premiers jours à partir.
Mais elle ignorait encore, combien d'autres douloureuses épreuves du genre l'attentaient.

[__ 08LN], Extrait du journal de bord de Kezeg.

Il pleut à verse.
Le ciel est en colère et déverse des torrents sur la terre.
Personne de censé ne mettrait le nez dehors, moi-même je suis resté calfeutrée dans la forteresse de la LA.

Pas de mission.
J’en profite.

Du repos pour moi.
Du repos pour Tengri-At. Qui malgré sa solide constitution n’en peu plus.
Son pied se fait moins sur, plus trébuchant, il était temps de s’accorder une pause.
De freiner la frénésie qui s'était emparée de moi…

Du foin et l'écurie pour lui
L'art de la gastronomie de Grosjean et les confortables bancs de la taverne pour moi…

Ce soir, il fait calme.
J’ai pris place dans la taverne.
Kakashi, Tshaolin ou Grosjean finiront bien par passer par ici.
Je n’ai pas envie de rester seule ce soir.
Pour la première fois depuis de longs mois, la solitude et le silence me paraissent insoutenables.

Du bruit dans le couloir me sort de ma somnolence.

Cette silhouette détrempée qui ruisselle sur le sol.
Elle m'est familière malgré tout.

Il y a longtemps que nos routes se sont séparées… Je suis partie pour Mérulik.
…Le cœur de la mêlée, les poussées d’adrénaline … je n’ai pas résisté à l’appel.
Mais cela a séparé nos chemins et je l'ai perdu de vue…

Quelle surprise donc.
Il a choisit ce jour pour s’arrêter ici.

Hasard ?
Qu’importe. Je suis heureuse de le retrouver !

Sourire.
Salut amical traditionnel de mon peuple.
Peut-être un peu plus appuyé que ne le voudrait l’étiquette…

Et son regard profond dans lequel je me perds…
…m’y attardant un peu plus que de raison.

Quelque chose a changé en lui !
Un je-ne-sais quoi…

…A moins que ce soit moi qui le regarde différemment ?

Je sens qu’il m’a manqué…
Lui qui aux premiers regards froids qu’il avait posé sur moi autrefois m’intimidait tant.

Oui, il m’a manqué…
Plus que je n’aurai pu le concevoir.
Plus que je ne pourrai l'avouer.

Alors d’un coup j’oublie la fatigue accumulée lors de ces jours de veilles, j’oublie que mon corps me réclame le sommeil à grands cris.
J’oublie… et je me joins au petit groupe qui se dirige en sa compagnie vers la taverne des Légionnaires…

Mes pommettes s'empourprent.

Au milieux des autres regards,
Je sens tes yeux posés sur moi Attilla !

Et cette étrange tension palpable dans l'air.

Les pages suivantes ont été arrachées, d'autres sont mélangées... les méfaits du temps, de la guerre aussi...
Un autre passage à jusqu'a prèsent pu être recomposé et remis en ordre...

Elle était assise sur les marches.

Silencieuse.
Le regard porté dans un monde qu’elle était seule à voir.

Un vide au creux du ventre.
Une boule qui lui nouait l’estomac.
Un signe qui ne pouvait la tromper sur son état d’esprit.

Même si elle se refusait à l’accepter et plus encore à le laisser paraître.
Elle avait peur !

Sans s’en rendre compte, elle soupira.
Une façon comme une autre de laisser retomber la pression qui pesait sur ses épaules.

…et si elle n’était pas vraiment prête après tout.
Peut-être fallait-il mieux attendre…

Elle aurait eu beau essayer de s’en convaincre, elle savait que c’était faux !
Qu’il était temps.
Qu’elle ne reporterait pas l’ultimatum qu’elle c’était fixé.

Elle secoua la tête et soupira de nouveau.

Du bout de ses doigts.
Par reflexe… Un geste inconscient.
Elle caressait la grande dalle de pierre grise qui parait l’escalier monumental de la forteresse du Repaire des Brigands.

A ce contact froid, rugueux et minéral, les souvenirs défilaient devant ses yeux.
Les batailles, les tours de garde et les longues veilles.
Les sourires, les regards amicaux et les parties de chasse endiablées.
Les deuils, les meurtres et le sang.

Puis venue d’au-delà de tout ça…

Attilla.
Lui l’homme auquel elle a décidé d’associer son destin.
L’homme qu’elle aime.
Celui qu’elle vient à peine de retrouver après ces longs mois d’absence.
Celui qu’elle devra à son tour laisser derrière pour parfaire son entraînement…

Sa voix la tire de ses pensées, comme on sort d’un songe.
Sur son épaule il a posé sa main.
Elle s’en saisi.
Se lève.
Plonge longuement ses yeux dans les siens, muette.

Elle regarde autour d’elle comme pour graver dans sa mémoire ces lieux, ces visages qu’elle ne reverra pas avant longtemps.

Il est l’heure de la chasse…
…La dernière chasse.